Elie de Foucauld, directeur d’Angers Loire Développement, l’agence économique de l’Agglo, lève le voile sur le projet de Cité des Objets Connectés qui sera implantée dans quelques mois à Angers.
Fin juin, le Ministère de l’Economie a désigné Angers pour accueillir la première Cité des Objets Connectés. Ce projet encore vague doit, dans un avenir proche, servir de point d’appui aux entrepreneurs qui souhaitent lancer leurs produits innovants dans le domaine de l’idO (Internet des Objets) et maintenir, au moins temporairement, cette activité en France. Au-delà du slogan brut, des annonces, des promesses et des chiffres (15 millions d’euros d’investissements), cette implantation, décidée en haut lieu, annonce-t-elle qu’Angers va (finalement) remporter le marché des compteurs intelligents d’ERDF pour lequel elle est candidate en vue de reconvertir l’ex-usine Thomson, fermée en 2012 par Technicolor ? Le point avec Elie de Foucauld, directeur d’Angers Loire Développement.
Angers a été désignée par le gouvernement pour accueillir la future Cité des Objets Connectés. Comment a-t-elle fait la différence par rapport à d’autres villes très en pointe dans le domaine de l’électronique, comme Grenoble par exemple?
Elie de Foucauld : Contrairement à ce qui a pu se dire ici ou là, ce n’est pas le lobbying qui a fait la différence. Si Angers a remporté la mise, c’est que l’électronique professionnelle est au cœur de son développement économique. Grenoble est davantage dans la recherche fondamentale sur la particule et la nanoélectronique. Angers se positionne sur les procédés de production et les systèmes d’intégration. Tout cet outil industriel est de nature à offrir un environnement favorable aux objets connectés dont les technologies et les problématiques correspondent aussi à celles de l’électronique professionnelle.
Pour les angevins, la « Cité des Objets Connectés » reste, pour l’instant, quelque chose de très abstrait. Qu’est ce qui se cache derrière ce slogan ?
C’est un projet industriel que les collectivités et l’Etat soutiennent, mais ce n’est pas à proprement parler un projet public. La Cité des Objets Connectés sera un véritable site industriel avec de vrais objectifs économiques, car tous les services qu’elle proposera aux entreprises seront facturés. Il comprendra un espace de coworking et un labo sur le design, le prototypage et la conception. Une deuxième section sera axée sur l’innovation industrielle et le travail présérie, et une troisième sera consacrée à la production avec un système croisé faisant intervenir d’autres secteurs comme l’électronique, la plasturgie, la mécanique. C’est donc quelque chose de très concret, avec un modèle économique, un parc machines, des personnes, et de l’immobilier.
A propos de l’immobilier justement, il est question d’une implantation sur l’ancien site de Valeo, à La Roseraie. Où est est-on ?
Valeo, c’était juste une option de départ. Mais, à ce stade du dossier, absolument rien n’est fait. D’autres hypothèses sont actuellement étudiées, mais je ne peux pas en dire plus pour l’instant. Le site sera choisi en fonction du modèle économique qui sera adopté.
Est-ce une piste de reconversion envisageable pour l’ex-usine Thomson ?
C’est bien sûr une possibilité de réhabilitation. Rappelons qu’Angers souhaite reconvertir ce site industriel en y installant la production et l’assemblage des compteurs intelligents Linky développés par ERDF* …qui sont des objets connectés. Il apparaîtrait invraisemblable qu’Angers ait ce niveau d’engagement sur le projet des compteurs Linky et que ce site ne travaille pas en lien avec la Cité des Objets Connectés.
Les 60 créations d’emplois prévues dans ce futur pôle ne se limiteront pas à des postes d’ingénieurs ou de chercheurs ?
Non, à partir du moment où le site fera de la production, avec la présence de toute la chaîne en vertical, il y aura aussi des techniciens et des opérateurs.
L’objectif est aussi d’attirer des entreprises extérieures au territoire. Dans quelles mesures cet outil pourra, selon vous, agir comme une pompe aspirante ?
L’idée est de permettre aux entreprises, où qu’elles soient implantées en France, de venir à Angers pour tester leurs produits, leurs modèles, leurs capacités d’industrialisation, leurs marchés etc…
Et repartir après ?
Partir ou, si elles le souhaitent, continuer ici, oui pourquoi pas.
Vous dites que ce projet n’est pas 100% public. Pour autant, les collectivités et l’Etat vont investir. Dans quelles proportions ?
C’est ce qu’on est en train de caler en ce moment. Est-ce que l’intervention des pouvoirs se limitera à la fourniture du capital immobilier ? Peut-on envisager un financement plus large ? C’est encore trop tôt pour le dire. On verra. Ce qui est sûr en revanche, c’est que le portage et le pilotage seront industriels. On ne sera pas dans une logique de mise en réseau, ni dans un projet public vitrine, il s’agira d’une véritable activité économique. Comme ailleurs, les entreprises devront gagner de l’argent. La Ville et l’Agglo n’ont pas, selon nous, vocation à porter en maîtrise d’ouvrage un projet comme celui-là.
D’après vous, qu’est-ce que la Cité des Objets Connectés sera capable d’apporter à la Ville d’Angers en termes de visibilité d’abord, et d’emplois ensuite ?
C’est une stratégie globale. L’idée est de faire d’Angers le centre de gravité de l’électronique professionnelle. A ce titre, elle apportera à cette filière une nouvelle visibilité sur le territoire et permettra de donner une cohérence aux politiques publiques. Pour le reste, tout dépendra des projets qui seront accueillis.
Quel est le calendrier à court terme ?
On est au démarrage d’un processus. Les industriels et les acteurs publics travaillent actuellement à définir et valider un modèle économique. Cela va prendre deux ou trois mois pour établir une première maquette. A partir de là, on pourra démarrer. Mais la finalité est concrète, pragmatique et opérationnelle. Je le répète, la Cité des Objets Connectés ne sera pas une vitrine de la politique publique, ni le lieu d’exposition de la stratégie d’un cluster, ni un lieu de réseautage ou d’animation du territoire. On parle bien d’un lieu de production industrielle dans un champ très précis, celui des objets connectés, qui est en train de quitter la France et qui présente, ici chez nous, un fort potentiel pour le développement de l’électronique professionnelle.
* (NDLR) L’ancienne municipalité avait déposé sa candidature pour que la production et l’assemblage des compteurs EDF Linky soient transférés dans l’ex-usine Thomson d’Angers. Ces compteurs intelligents permettront notamment d’effectuer des relevés à distance. La réponse devrait intervenir dans les toutes prochaines semaines, ou après l’été, le temps (peut-être) que soit bouclé le dossier lié à la construction de la Cité des Objets Connectés.